Deux bailleurs de fonds, en l’occurrence la Suède et les Pays Bas, maintiennent la suspension de leur aide budgétaire directe au Rwanda en dépit du rapprochement entre Kigali et Kinshasa.
A la suite du rapport du groupe d’experts de l’ONU qui accusait le Rwanda de soutenir les rebelles congolais du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), les Pays-Bas et la Suède avaient décidé à la fin de l’année dernière de suspendre leur appui au budget du gouvernement rwandais.
Ce rapport avait suscité de l’indignation dans plusieurs capitales européennes. Les deux pays européens susdits n’avaient pas cru au démenti opposé par Kigali. Même la Grande-Bretagne, principal pourvoyeur des fonds du Rwanda, avait menacé ce pays de la même mesure s’il ne coupait pas le cordon ombilical avec Laurent Nkunda.
C’est cette menace qui a eu un impact et accélérer le revirement de la situation constaté sur le terrain au Nord Kivu. Aussi, laisse-t-on entendre que l’arrestation de Laurent Nkunda au Rwanda au début de l’opération «Umoja Wetu» avait pour objectif inavoué de convaincre les alliés occidentaux du Rwanda qu’il n’est pas derrière l’irrédentisme du chef historique du CNDP. Plus de sept mois après, la Suède et les Pays Bas refusent de délier la bourse, le temps de suivre l’évolution de la situation sur le terrain.
Cas de la SuèdeLa Suède octroie environ 140 millions de couronnes (soit +/- 18 millions de dollars américains) par an au Rwanda. La moitié de cette somme est destinée à l’appui budgétaire au pays, le reste étant alloué à la promotion des droits humains, la promotion de la démocratie, la coopération pour la recherche et au renforcement de capacités de la police nationale. « L’appui budgétaire, tel qu’il est aujourd’hui, reste suspendu» a déclaré à Grands Lacs Hebdo Richard Bomboma, chef de mission de la Suède pour le Rwanda et le Burundi.
Il a toutefois tenu à préciser que la décision est temporaire et que la Suède a entamé un dialogue constructif avec le Rwanda afin d’œuvrer conjointement pour une solution paisible et durable au conflit de l’Est du Congo.« Nous pouvons reprendre notre appui budgétaire si nous sommes satisfaits par l’évolution de la situation, » a fait savoir Richard Bomboma. Le diplomate suédois insiste sur la contribution du Rwanda pour le retour effectif de la paix dans la partie orientale de la RDC et l’amélioration de ses relations diplomatiques avec son voisin congolais.
Même son de cloche L’année dernière, la Hollande prévoyait en faveur du gouvernement rwandais une aide de 3 millions d’euros (3,99 millions de dollars américains) et une autre aide de 4 millions d’euros (5,32 millions de dollars) pour cette année. Soit plus de sept millions d’euros pour les deux exercices. « La situation a nettement changé. Mais, ça ne signifie pas que nous pouvons reprise immédiatement notre appui budgétaire, » a déclaré pour sa part Frans Makken, ambassadeur des Pays Bas à Kigali contacté par Grands Lacs Hebdo.
«Restaurer la confiance mutuelle est un processus qui peut prendre un peu plus de temps.»Le cas du CanadaAprès la Suède et les Pays Bas, le Canada a décidé en février de suspendre son aide au développement en faveur du Rwanda. Mais cette décision ne s’inscrit pas dans le cadre de mesures prises par certains pays européens à l’endroit du Rwanda. Madame Bev Oda, la ministre canadienne de la Coopération internationale, a déclaré à Ottawa que le Canada fournirait une aide à environ 20 pays au lieu de 25 auparavant. Parmi les pays africains qui ne bénéficieront plus des aides en provenance du Canada figure le Rwanda.
L‘Ambassadeur Frank Maier qui représente l’Allemagne à Kigali a déclaré à Grands Lacs Hebdo que le retard dans le déboursement a été dû aux problèmes bilatéraux qui ont existé entre les deux pays et à la bureaucratie interne. L’arrestation début novembre 2008 à Francfort, en Allemagne, de Rose Kabuye, directrice du protocole de l’Etat et l’une des proches du chef de l’Etat rwandais Paul Kagame, en vertu d’un mandat d’arrêt émis par la France, avait provoqué une crise diplomatique entre Kigali et Berlin.
L’ambassadeur rwandais en Allemagne, Eugène Gasana, avait été rappelé quelques jours plus tard “pour consultations” par Kigali, qui avait également exigé, et obtenu le départ de l’ambassadeur d’Allemagne au Rwanda, Christian Clages. La normalisation des relations bilatérales entre Kigali et Berlin est effective depuis le mois de janvier de cette année. A noter que la moitié du budget du Rwanda est supportée par l’aide au développement. Suspendre cette aide prive le Rwanda d’une bonne partie des ressources financières.
Pour contourner cette difficulté, Kigali est obligé de revoir ses copies et scruter d’autres horizons plus cléments.Cependant, les autorités rwandaises ne sont pas inquiètes outre mesure. Paul Kagame est l’un des rares Chefs d’Etat du continent qui n’exagère pas l’importance des aides extérieures.
Il a déjà réagi à la décision de la Hollande et de la Suède de retirer leur appui budgétaire au gouvernement rwandais à la suite du rapport des experts des Nations Unies qui accuse le Rwanda de soutenir le CNDP. Le Chef de l’Etat rwandais qui a toujours soutenu que «l’aide ne sert qu’à devenir indépendant de l’aide», a appelé ses compatriotes, – et particulièrement le secteur privé-, à travailler d’arrache-pied pour que le pays sorte progressivement de l’engrenage de l’assistance.
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