
Quelles sont les moyens de pression des Etats-Unis pour que le gouvernement congolais commence, enfin, à sanctionner les militaires coupables de viols ?
Je suppose que c’est d’abord la meilleure organisation des forces armées congolaises.
Mais le Etats-Unis peuvent aussi faire pression aux gouvernements des pays voisins, y compris rwandais et ougandais, qui étaient, certainement, les petits chouchous de l’ancien régime Bush, mais avec lesquels, je l’imagine, l’administration Obama aura aussi de bonnes relations.
C’est-à-dire que les pressions américaines ne doivent pas seulement s’exercer sur Kinshasa, mais aussi sur Kampala et Kigali ? C’est mon impression. Les problèmes du Congo se situent au niveau régional. Il y a six mois, le Rwanda est intervenu militairement aux côtés du Congo contre les rebelles hutu rwandais des FDLR. Est-ce que c’était la bonne solution ?
D’après moi, cela n’a pas changé grand-chose. Les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et les Interahamwe sont un peu partout dans la région. Bien que les forces rwandaises gouvernementales soient venues au Congo, elles ne peuvent, selon moi, résoudre les problèmes d’une manière générale. Ce qui est évident, c’est que s’il y avait moyen de rapatrier ces gens pour les réintégrer dans la société rwandaise…
Il faudrait faciliter le retour de ces rebelles FDLR au Rwanda ?
Oui, d’après moi.
Est-ce que, de ce point de vue, le gouvernement rwandais de Paul Kagamé peut faire quelque chose ?
Bien sûr. C’est même raisonnable que ce gouvernement qui a été assisté par la communauté internationale soit généreux. Mais il n’est pas disposé à être généreux, gentil, dans ce domaine-là.
N’y a-t-il pas une alliance privilégiée entre Washington et Kigali ?
Il y en avait. Mais je crois que ça vaut la peine de jeter un coup d’œil sur l’itinéraire de la secrétaire d’Etat américaine, Mme Hillary Clinton, pour sa première visite en Afrique. Elle n’a visité ni le Rwanda ni l’Ouganda, c’est-à-dire les amis habituels. Elle a choisi de visiter Goma. Et vous connaissez aussi bien que moi la géographie. Elle aurait pu continuer de Goma à Kigali. Mais elle a préféré un groupe de pays qui ont connu, peut-être, des problèmes les plus profonds en Afrique, mais aussi qui présentent de potentialités économiques.
Voulez-vous dire qu’il y a rééquilibrage de la politique américaine entre Kigali et Kinshasa ?
Je crois que oui.Et il y a cette guerre dans l’Est de la RDC. Puis des questions de politique nationale. Est-ce que la visite d’Hillary Clinton à Kinshasa signifie que le président Obama soutient le pouvoir de Joseph Kabila ?
Je dirais que oui, pour l’opinion au Congo. Mais pour l’opinion américaine, les Etats-Unis ne peuvent pas apporter un soutien politique au gouvernement Kabila sans s’adresser aux questions humanitaires.
C’est-à-dire que ce soutien dépend des efforts que fournira le gouvernement congolais pour mettre fin aux violences sexuelles contre les femmes ?
Est-ce que la présidentielle de 2011 à Kinshasa sera observée avec beaucoup d’attention par les Etats-Unis ?
Evidemment. Le Congo a toujours vécu une situation unique. Disons que ce pays a besoin de mains relativement fortes pour résoudre ses problèmes.
Mais si jamais les élections de 2011 sont truquées, les Etats-Unis fermeront-ils les yeux parce que le Congo est un grand pays et qu’il faut faire de la real politik ?
Non. On ne peut pas. Si on jette un coup d’œil au discours du président Obama, qui propose aux Africains la bonne gouvernance, la transparence, la justice, etc. Pour cela, on ne peut pas vouloir des élections truquées.
(TN/Ern./GW/Yes)