Dix officiers français de haut rang ayant participé à l’opération militaro-humanitaire “Turquoise” au Rwanda en 1994, ont porté plainte en diffamation mardi à Paris après avoir été mis en cause en août dans un rapport rwandais les accusant d’avoir participé au génocide. Lire la suite l’article
Cette plainte contre X avec constitution de partie civile pour “diffamation publique” a été déposée mardi devant la doyenne des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris, a-t-on appris mercredi de source judiciaire.
Parmi les plaignants figurent cinq généraux, dont Jean-Claude Lafourcade qui a commandé l’opération Turquoise, et cinq colonels, a indiqué à l’AFP un proche des plaignants.
Ces dix officiers ont tous été cités dans un rapport rwandais sur le rôle supposé de la France dans le génocide, présenté à la presse le 5 août par le ministre rwandais de la Justice, Tharcisse Karugarama.
La plainte des militaires vise particulièrement le communiqué du ministre qui rendait compte de ce rapport.
“Ce communiqué a la particularité d’être rédigé en langue française, alors même qu’il est rendu disponible sur un site entièrement en langue anglaise. Il interpelle directement les autorités et l’opinion française et les personnes visées sont connues sur le territoire français”, expliquent les avocats des plaignants pour justifier la compétence de Paris.
“Les militaires ayant servi au Rwanda de 1990 à 1994, et en particulier ceux qui ont participé à l’Opération Turquoise”, ont été accusés d’avoir “+pleinement pris en charge le projet génocidaire+, plusieurs d’entre eux étant désignés nominativement comme comptant parmi les + personnalités militaires françaises les plus impliquées dans le génocide+”, rappelle le général Lafourcade, dans un communiqué.
“Des militaires français ont commis eux-mêmes directement des assassinats de Tutsis et de Hutus (…) des militaires français ont commis de nombreux viols sur des rescapées tutsies”, dénonçait également le communiqué rwandais
“Ces accusations graves et infondées ne pouvaient rester sans réponse. C’est pourquoi, une dizaine d’officiers mis en cause, atteints dans leur honneur, ont décidé de donner une suite judiciaire aux accusations ainsi portées, devant la justice de notre pays”, explique le général Lafourcade.
Environ 800.000 personnes, selon l’ONU, essentiellement parmi les minorités tutsie et les Hutus modérés, ont été tuées pendant le génocide d’avril à juillet 1994 au Rwanda, planifié et exécuté par les extrémistes hutus.
“Les soldats français ont rempli de manière digne et exemplaire, sous les yeux de nombreux observateurs, la mission qui leur a été désignée au Rwanda par le gouvernement et le président de la République. Les Nations Unies et la Communauté internationale leur en ont donné acte en 1994”, explique l’officier supérieur.
“En 1998, une commission parlementaire française a écarté toute ambiguïté possible sur leur action”, poursuit le général en qualifiant les accusations portées d'”indignes et d’inacceptables”.
“Je pense que ce rapport est la réponse du président (rwandais Paul) Kagame aux accusations portées par la France sur son implication dans l’attentat contre Habyarimana (ancien président rwandais). Pour moi c’est très politique”, avait estimé en août l’amiral Jacques Lanxade, chef d’Etat-major des armées à l’époque du génocide.
Kigali a rompu fin novembre 2006 ses relations diplomatiques avec Paris après que le juge Jean-Louis Bruguière a réclamé des poursuites contre M. Kagame pour sa “participation présumée” à cet attentat.