Monday

16-06-2025 Vol 19

Le procès du colonel Bagosora et consort : les clichés ont la vie dure

Par Emmanuel NERETSE

Le colonel Théoneste Bagosora avait été mis à la retraite dans l’armée rwandaise en 1992. Il fut cependant repris au cabinet du ministère de la Défense en tant que cadre politique du parti MRND qui venait d’hériter de ce ministère dans le cadre du gouvernement multipartite dirigé par Dismas Nsengiyaremye issu de l’opposition radicale de l’époque à savoir le parti MDR (Mouvement Démocratique Républicain).
Après la défaite des FAR (Forces Armées Rwandaises) en juillet 1994, le colonel Bagosora ira en exil d’abord au Zaïre puis au Cameroun. C’est dans ce dernier pays qu’il fut arrêté en 1996 et aussitôt transféré à Arusha en Tanzanie où venait d’être installé le siège du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) qui venait d’être créé par l’ONU.
Dès ce moment, le colonel Bagosora fut présenté à l’opinion comme « cerveau du génocide », comme l’homme qui avait publiquement déclaré, lors des négociations d’Arusha, vouloir rentrer au Rwanda pour préparer l’apocalypse. Il fut également présenté comme un membre éminent de « l’Akazu » sinon comme carrément un parent du président Habyarimana et à ce titre membre des « escadrons de la mort » et autres « réseau zéro » mais surtout d’une organisation terroriste dénommée « Amasasu ».

Désillusions
Cependant, force est de constater que tout au long de son procès qui a duré près de six ans (2002-2008), aucun de ces clichés véhiculés par la presse ne fut formellement établi devant la Cour.

En ce qui concerne les propos prêtés au colonel Bagosora comme quoi il aurait claqué la porte lors des négociations d’Arusha en déclarant qu’il rentrait pour préparer l’apocalypse, aucun témoin parmi la centaine qu’a présentés le procureur et dont certains avaient participé aux négociations d’Arusha, n’a reconnu avoir entendu ces paroles de la bouche du colonel Bagosora. De même, les experts du procureur, dont certains ont été à la base de l’invention et de la diffusion du qualificatif de « cerveau du génocide » collé à Bagosora, une fois à la barre, ces experts ont eu beaucoup de mal et ont finalement échoué à prouver en quoi Bagosora devrait être considéré comme « cerveau du génocide ».

Les mythes de « l’Akazu » des « escadrons de la mort » et du « réseau zéro » se sont dégonflés devant la Cour grâce aux témoignages directs ou aux travaux de recherche très fouillés présentés parfois par ceux-là même qui avaient été à la base de la vulgarisation de ces mythes. Dans certains cas, l’Accusation n’a même pas cherché à présenter devant la Cour la source de ses allégations. Ainsi, le terme d « escadrons de la mort » fut lancé par le célèbre escroc Afrika Janvier qui se présentait comme journaliste et affirmait en faire partie. C’est lui qui a dressé la liste des supposés membres des « escadrons de la mort ».
Il s’agissait en fait des personnalités les plus influentes du pays mais étiquetées « proches de Habyarimana ». Curieusement, le procureur du TPIR n’a fait aucun effort pour que Africa Janvier, qui vit encore, comparaisse. Au contraire, tout a été fait pour qu’il ne soit pas approché, surtout par les équipes de défense.
De même, Christophe Mfizi, l’inventeur du fameux « réseau zéro », malgré un rapport d’une centaine de pages commandité par le procureur et surtout grassement rémunéré, n’est pas parvenu à définir les contours de son « réseau zéro ».

Quant à la trop célèbre vocable d’ « Akazu », un de ceux qui s’en revendique, en l’occurrence Michel Bagaragaza qui collabore depuis des années avec le bureau du procureur, il peine à convaincre la Cour que l’ « Akazu » avait bel et bien une structure formelle et clairement identifiable. Les organigrammes et les schémas qu’il a produits à cet effet, au lieu de rendre son propos plus clair, le rendent plutôt confus.
Enfin, l’organisation terroriste « Amasasu » révélé par l’ancien ministre de la Défense James Gasana et qui est aussi collé au « CV » de Bagasora, ne semble pas avoir eu plus de défenseurs devant le TPIR que les autres mythes.

Le ministre Gasana, qui avait révélé son existence, n’a pas trouvé nécessaire d’aller éclairer la Cour sur cette organisation criminelle qui fut pourtant, selon lui, à la base de sa démission en juin 1993. Conséquence : l’histoire ne retiendra rien de cette organisation criminelle pourtant dénoncée à l’époque par le ministre ayant la sécurité dans ses attributions et dont les actes criminels qui lui sont imputés tombent sous le mandat du TPIR.
Acharnement par amertume et désenchantement ou désinformation ?
Le 18 décembre 2008 soit 12 ans après son arrestation, le verdict du procès Bagosora est tombé. Bagosora et deux de ses co-accusés ont été condamnés à la réclusion à perpétuité. Le quatrième été acquitté. On notera que tous les quatre furent acquittés du chef d’« entente en vue de commettre le génocide ». Dans le prononcé, il n’est dit nulle part que Bagosora est reconnu par la Cour pour avoir promis d’aller préparer l’apocalypse. Ni Bagosora, ni aucun de ses co-accusés ne fut condamné pour avoir créé et/ou été membre des « escadrons de la mort » ou des « Amasasu ». De même, la Cour n’a condamné personne pour être membre de « l’Akazu », même ceux dont les liens de parenté avec le président Habyarimana sont établis.

Pourtant au lendemain de ce verdict, ceux-là même qui avaient imaginé et lancé ces mythes sont tout de suite montés aux créneaux pour semer la confusion dans l’opinion car apparemment ils se voyaient perdre la face. Les journalistes belges Colette Braeckman du quotidien « Le Soir » et Marie-France Cros de « La Libre Belgique » se partagent la palme d’or dans cette course à la manipulation de l’opinion. Dès le 19 décembre, Marie France Cros titrait dans la « Libre Belgique » : « L’homme de l’apocalypse » et renchérissait : « Perpétuité pour le cerveau ». Quant à Colette Braeckman dans « Le Soir» du 19 decembre 2008, elle a tout simplement opéré un « couper-coller » de ses articles de 1994.

En effet, elle présente un « CV » de Bagosora tellement suggestif qu’elle fait entendre que ce dernier fut pendant longtemps chef de cabinet du Président. Quand on sait que la même Braeckman connaît très bien l’officier qui fut chef de cabinet de Habyarimana pendant 20 ans et que celui-ci, recherché puis arrêté par le TPIR, ne fut libéré que grâce à l’intervention des « amis du Rwanda » dont Colette Braeckman, on croit rêver.
Prenant ses lecteurs pour des idiots, la brave Braeckman revient à la charge dans la même édition en affirmant que Bagosora a publiquement promis d’aller préparer l’apocalypse, qu’il a créé et soutenu les « escadrons de la mort » et autres « Amasasu ». Tout le contraire des conclusions auxquelles venaient d’arriver le TPIR.
Face aux caméras de France 24 et confrontée à la pugnacité du journaliste camerounais Charles Onana, Colette Braeckman se montre telle qu’elle est : une journaliste engagée, incapable de se ressaisir et peut-être sous influence. Dommage car elle est toujours présentée comme « spécialiste de la région des Grands Lacs en Afrique ».

En conclusion

Le malheur du peuple rwandais est, nous semble-t-il, d’avoir eu comme « faiseurs d’opinion » ce genre de personnages ayant une obsession maladive ou une admiration sans borne contre ou envers l’une ou l’autre partie du peuple rwandais et que ces apprentis- sorciers soient encore les seuls écoutés.

©Emmanuel Neretse

Bruxelles, le 25 décembre 2008

The Truth can be buried and stomped into the ground where none can see, yet eventually it will, like a seed, break through the surface once again far more potent than ever, and Nothing can stop it. Truth can be suppressed for a “time”, yet It cannot be destroyed. ==> Wolverine
The Truth can be buried and stomped into the ground where none can see, yet eventually it will, like a seed, break through the surface once again far more potent than ever, and Nothing can stop it. Truth can be suppressed for a time, yet It cannot be destroyed => Wolverine

Malcom

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *