Dr. Helmut Strizek
D-53127 Bonn
E-mail: strizek@-t-online.de
Bonn, le 1er janvier 2009
M. Kenneth Roth
Executive Director of
Human Rights Watch
350 Fifth Avenue, 34th floor
New York, NY 10118-3299
USA

Email:
hrwnyc@hrw.orgObjet.: Votre lettre adressée à Hassan Bubacar Jallow le 11 décembre 2008 et votre message adressé à Paul Kagame le 23 décembre 2008
Monsieur le Directeur Exécutif,
Paul Kagame est un homme sans scrupule et ne connaît pas des sentiments de gratitude. Alison Des Forges ne lui est plus utile. Voilà la fin d’une relation d’utilité. Elle rapportait longtemps pour Kagame, mais depuis un certain temps les pertes excédaient les bénéfices. Solde négative, donc, adieu.
Vous ne devriez pas vous en plaindre. Vous saviez depuis longtemps qui est ce partenaire de HRW. Dès son arrivée à HRW en 1992 après le départ de Rakiya Omaar et d’Alex de Waal tombés en disgrâce pour leurs positions critiques vis-à-vis de l’intervention occidentale en Somalie et la fondation de leur organisation pro-FPR African Rights, Alison Des Forges a tout au début œuvré en faveur du FPR d’une façon moins visible que ses prédécesseurs.
Cette Commission dont Alison Des Forges a fait partie en janvier 1993 a fourni un des grands faux documents de l’histoire moderne. On sait aujourd’hui que cette Commission a inventé un scénario mensonger pour aveugler la communauté internationale et divertir l’opinion publique des effets désastreux prévisibles de la reprise de la guerre le 8 février 1993 par le FPR. Puisque les membres du Conseil de Sécurité n’étaient majoritairement pas encore en faveur de l’idée de favoriser la prise totale du pouvoir au Rwanda par les rebelles tutsi du FPR, ils ont forcé celui-ci d’accepter un cessez-le-feu.
Mais le faux rapport de la « Commission Internationale d’Enquête » publié seulement après cette défaite politique du FPR a servi de « blueprint » pour la mise en place de la « lecture officielle » biaisée des événements après l’assassinat des Présidents Habyarimana et Ntaryamira le 6 avril 1994 et la reprise de la guerre immédiate par le FPR, ce qui déclencha des massacres de masse envers la population tutsi. Ces massacres provoqués par le FPR étaient prévisibles pour tout observateur averti, comme par exemple les services de renseignement américains.
Il fallait, donc, anticiper une propagande susceptible d’attribuer la responsabilité pour cette catastrophe aux « génocidaires innées » hutu (d’après Kagame). Cette propagande déjà contenue dans le rapport de la CIE en mars 1993 était d’autant plus nécessaire après la décision honteuse de l’administration Clinton de forcer les Nations Unies le 21 avril 1994 de ne pas intervenir en faveur d’un sauvetage de cette population tutsi menacée.
Le sort tragique des tutsi, a affirmé Alison Des Forges pendant presque 10 ans devant le TPIR, était uniquement le résultat de la programmation d’un génocide par des extrémistes hutu proches du régime du Président Habyarimana. Seulement, quand on s’est aperçu qu’il était déraisonnable de convaincre le monde entier que Habyarimana avait préparé un génocide rendu possible seulement par son suicide, il fallait trouver un « mastermind » en la personne du Colonel Bagosora pour l’hypothèse de la planification d’un génocide.
L’établissement du TPIR selon le modèle des procès de Nuremberg en 1945/1946 était déjà préconçu dans le rapport de la CIE en mars 1993, donc plus d’une année avant les événements horribles survenus après l’attentat du 6 avril 1994. À Nuremberg, qu’on y ait pu juger un grand nombre de responsables de la guerre d’agression et du génocide anti-juif, c’était incontestable. Pour le cas rwandais, il a fallu donc présenter Bagosora et alii comme des grands planificateurs d’un génocide tout en évitant de les accuser d’une guerre d’agression dont la responsabilité incombe sans aucun doute dès le 1er octobre 1990 au FPR.
Votre lettre adressée à Hassan Bubacar Jallow le 11 décembre 2008 demandant la poursuite des crimes du FPR fait oublier que HRW et notamment Alison Des Forges sont partiellement responsables de la mauvaise conception du TPIR dès le début.
Comme vous le savez, le 18 décembre 2008, dans son jugement dans le procès appelé « Militaires I » le TPIR a prouvé que l’hypothèse d’un génocide planifié est à écarter désormais.
[3] Je dois reconnaître qu’Alison Des Forges a accepté ce fait dans sa déclaration à la journaliste Lydia Polgreen des New York Times le 19 décembre 2008 :« The exclusion of the conspiracy charge against the men is a blow to Rwandan officials, said Alison Desforges of Human Rights Watch, because it undercuts their argument that the genocide was not a one-time event but the inevitable product of an anti-Tutsi atmosphere dating from the colonial era. “It brings us back to reality and says this genocide was a discrete historical event related to a specific set of circumstances,” Ms. Desforges said. »
Mais Mme Des Forges devrait faire un pas supplémentaire. Elle devrait reconnaître qu’elle a trop longtemps présenté sciemment des « preuves » erronées de la planification au TPIR dans ses innombrables audiences d’expertise. Elle reconnaît de par sa déclaration récente d’avoir toujours présenté les arguments des « Rwandan officials » et non pas les résultats de ses propres recherches. « Their arguments » était toujours les siens. HRW et FIDH devraient reconnaître ce fait d’autant plus que le juge norvégien Eric Møse a démantelé un par un les « signes précurseurs » à cette planification contenus dans « Leave None to Tell the Story ».
Pour rétablir l’honneur de HRW vous devriez reconnaître publiquement ces erreurs et présenter vos excuses à la Communauté internationale. Vous devriez également encourager Alison Des Forges à démissionner de son rôle de Senior Adviser for Africa de HRW.
Veuillez accepter, Monsieur le Directeur Exécutif, l’expression de ma haute considération
Helmut Strizek
[1] Pourtant Filip Reyntjens a affirmé sur le Forum DHR le 4 août 2008 en réponse à ma qualification de cette commission de déastreuse: „Ayant été moi-même impliqué de près dans la préparation de la “désastreuse” commission internationale d’enquête de janvier 1993, je suis en mesure d’affirmer que Rakiya Omar n’y a été associée d’aucune manière.“ Mais est-ce que cela prouve que R. Omaar et A. de Waal n’étaient pas à la base de l’idée de cette commission née après les événements survenus au Bugesera en 1992 ?
[2] Je connais vos démarches en ce sens auprès du Conseil de Sécurité en 2002 et 2003. Elles sont restées sans suite du fait que le successeur de Carla del Ponte a refusé carrément – protégé par Kofi Annan – de s’occuper des crimes du FPR. Alison Des Forges a continué de servir d’expert du nouveau Procureur Jallow comme si rien ne s’était passé.